Équipement culturel et développement urbain : le centre d’art contemporain WIELS, héraut des logiques de transformation d’un quartier populaire ?
Équipement culturel et développement urbain : le centre d’art contemporain WIELS, héraut des logiques de transformation d’un quartier populaire ?
En 2007, l’ouverture du premier centre d’art contemporain bruxellois dans un quartier de la commune de Forest, caractérisé par un tissu urbain anciennement industriel et une réelle précarité socio-économique, semble avoir marqué une ère nouvelle. Installé dans une ancienne brasserie, accueillant expositions temporaires, résidences d’artistes mais aussi activités de médiation, le WIELS se voit de loin : son architecture Art Déco impressionne et les imposants titres d’expositions apposés sur les verrières attirent l’attention.
Comme beaucoup d’autres villes, Bruxelles mise sur la culture pour fonder son attractivité et le redéveloppement de ses anciens quartiers industriels. Le projet de conversion de l’ancien garage Citroën place de l’Yser en pôle culturel d’envergure internationale en est l’exemple le plus récent. Serait-on aussi touché à Bruxelles par le syndrome de Bilbao, sorte de quête mondiale du plus grand projet muséal ? Doit-on miser sur la classe créative comme planche de salut des espaces urbains ? Sans forcément entrer dans ce débat, il semble utile de prendre un peu de recul pour comprendre les logiques et les effets sociospatiaux du développement urbain par la culture.
Dans le numéro 112 de Brussels Studies, Simon Debersaques, géographe à l’Université Libre de Bruxelles, se livre à une analyse approfondie de la relation entre un lieu culturel et son quartier, avec le précurseur qu’est le WIELS comme cas d’étude. Après une synthèse de l’abondante et récente littérature sur le sujet, il retrace la trajectoire de cet équipement culturel au travers des logiques de production, des stratégies d’acteurs et des dynamiques sociospatiales à l’œuvre depuis son ouverture.
Cette observation attentive montre que le WIELS est un lieu culturel hybride dont la relation au territoire a évolué. De l’équipement-vitrine lors de sa conception, il s’oriente vers l’équipement communautaire durant ses premières années d’existence. Aujourd’hui, le WIELS s’affirmerait comme un équipement créatif. Les logiques sociospatiales à l’œuvre se superposent toutefois : en tant qu’équipement communautaire, il offre aux habitants du quartier de nouvelles activités socioartistiques, tandis que sa dimension de vitrine entraîne une revalorisation de l’image de cette portion de la ville dont se sont emparés certains promoteurs immobiliers. Cela fait naitre des interrogations sur les tensions entre ces logiques, mais aussi sur les conséquences sociales à plus long terme dans l’environnement proche.
Dans le cas du WIELS, les transformations à l’œuvre semblent annoncer un scénario de gentrification du quartier. En effet, si les logiques de vitrine et de centre communautaire ont eu respectivement pour conséquences de donner un coup de projecteur sur ce quartier populaire et péricentral tout en y ancrant assez pacifiquement l’institution, la logique créative développée plus récemment a pour effet plus structurel d’attirer dans le bas de la commune de Forest de nouveaux résidents plus aisés et de nouvelles activités parfois faiblement pourvoyeuses d’emplois pour les habitants actuels.
Néanmoins, dix ans après son inauguration, il semble encore trop tôt pour déterminer si, en matière de développement urbain, le WIELS sera autre chose qu’une tête de pont de la gentrification dans un espace populaire péricentral. Cependant, une chose est sûre pour le WIELS, tout comme pour ce qui devrait émerger place de l’Yser : ceci n’est pas (qu’) un musée…