Conférence de Jean-Marc Bouillon 21 octobre 2020
L’eau est une ressource précieuse à ne plus gaspiller, ce « bien commun » dont la maîtrise doit être globale. Comment favoriser la gestion circulaire de l’eau, quelles solutions imaginer pour faire face à la rareté, au dessèchement des milieux urbains ? Comment l’eau peut-elle refonder l’ambiance favorable à la vie urbaine ? Mais aussi comment éviter les inondations lors d’épisodes orageux qui eux-mêmes se multiplient ?
Jean-Marc Bouillon est paysagiste concepteur. Il œuvre aujourd’hui au sein de son cabinet Takahé Conseil. Il est Président d’honneur de la Fédération Française du Paysage et Président du fonds de dotation Intelligence Nature. Il reste Membre du conseil d’administration de Val’hor (interprofession).
Un changement de modèle est en cours. Il mêle eau et végétal, intelligence artificielle et intelligence naturelle, public et privé, au sein duquel la nature devient infrastructure et la biodiversité fonctionnelle. Aux principaux désagréments d’origine environnementale qui pénalisent aujourd’hui la qualité de vie dans nos villes (température, pollution, bruit et les inondations), la végétalisation apporte des réponses économes extrêmement pertinentes pour leur efficacité technique, leur pérennité et leur autonomie.
La nature se révèle être une ressource puissante et frugale pour aider les villes à devenir résilientes face aux dérèglements climatiques, tout en renforçant le lien social et l’expérience citoyenne, donc l’attractivité. L’eau, une nécessité de gestion holistique. Quelles peuvent être les réponses des villes ? En quoi l’eau et le végétal peuvent-ils ensemble contribuer aux solutions ?
Cet exposé de Jean-Marc Bouillon éclaire les éléments suivants
- La gestion de l’eau « résiduelle » repose sur les réseaux d’égouts dont la conception et la construction remonte à plus d’un siècle et demi. L’objectif était et est d’évacuer les pluies et les crues par un système de canalisations. L’alimentation fait l’objet d’un réseau séparé, souvent postérieur. Ces impétrants sont « cachés » en sous-sol, contribuant à l’imperméabilisation des sols
- A l’inverse, J.M. Bouillon propose de relier la gestion des eaux aux systèmes naturels, et de profiter ainsi de services écosystémiques amplifiés et partagés
- Pour lui, « la nature devient l’infrastructure » : l’infrastructure verte doit remplacer l’infrastructure grise (bassins, retenues, égouts, avaloirs, etc.)
- Dès lors le ruissellement naturel et l’infiltration deviennent le modèle, la canalisation devenant l’exception de moins en moins utilisée
- Les services rendus par la nature sont davantage performants
- Cette approche coûte beaucoup moins cher en investissement (facteur 7 à 9 du cout classique) ; et si les modes de gestion sont appropriés, elle est également moins chère à l’usage (contribution ou participation de différents acteurs)
- Takahé Conseil a notamment développé des outils cartographiques qui permettent d’appréhender aisément et rapidement le traitement des paysages, de la végétalisation et de l’eau. Cette triple approche optimalise les gains d’efficacité et permet des synergies fertiles. L’intelligence artificielle ouvre de nouveaux horizons dans ces domaines.
Jean-Marc Bouillon a illustré son propos à travers différents exemples
- Ville du Havre : l’entrée de ville a été réaménagée selon ces principes
- Le quartier des Mureaux, à l‘occasion d’une vaste opération de rénovation urbaine
- Les villes de Blois et de Brest ont adopté ces principes pour tout nouvel aménagement
- Il cite également le programme de recherche européen « Nature4cities », associant des centres de recherche et des villes notamment.
La discussion a permis d’aborder ces questions
- Selon un représentant de Bruxelles-Environnement, ces principes sont intégrés dans le plan de gestion des eaux, notamment la notion de « services rendus par la nature »
- Les revêtements de sols devant être perméable, se pose la question de ceux en usage aujourd’hui ; dispose-t-on facilement des matériaux adéquats ?
- Le piétonnier du centre-ville constitue dans ce domaine un mauvais exemple
- En région bruxelloise, le RRU (règlement d’urbanisme régional) apporte quelques réponses, qui deviennent obligatoires dès son adoption
- On favorisera ainsi le « Step by Step» pour les petits projets, tandis que les grands projets devraient se monter performant et exemplaires.
FOR URBAN PASSION considère dès lors que
- La crise climatique appelle à des solutions rapides : si à l’évidence le paradigme change, pour autant les réalisations restent encore très timides et peu valorisées dans nos deux régions
- Des réalisations exemplaires doivent être mises en valeur, pour que l’effet de propagation s’amplifie ; ces réalisations peuvent concerner de vastes projets comme de petits aménagements, ou encore des changements de modes de gestion à l’échelle de territoires circonscrits
- Les coûts d’investissements et de gestion seraient à comparer aux solutions classiques pour assoir les arguments
- La mise en œuvre de mesures de planification et de mesures réglementaires doit être articulée ; les champs sectoriels s’ignorent encore, ici environnement et urbanisme, alors que les faisceaux incitant à l’action doivent converger
(Rédaction AUPA et Paul Vermeylen)