Philippe Madec est l’un des pionniers de l’éco-responsabilité, qu’il pratique depuis le début de son activité d’architecte et d’urbaniste. Il est actif principalement à Rennes, Paris ainsi qu’à Bruxelles où il vit. Il travaille à des échelles différentes, depuis les bourgs, les écoquartiers et les écocités jusqu’aux villes écologiques et à l’aménagement du très grand territoire. Plusieurs prix lui ont été décernés dont le « Global Award for Sustainable architecte 2012 ». Il est cofondateur du « Manifeste pour la frugalité heureuse et créative », auquel des milliers d’architectes, urbanistes et ingénieurs ont déjà souscrit.

« Établissement humain et urbanisme communal frugal ». Sous ce titre, il s’agit de sortir de l’opposition délétère « urbain versus rural », de demander de revenir aux sources de notre installation, à sa radicalité c’est-à-dire à l’établissement humain, unique et pluriel à la fois : littoral, campagnard, périurbain, urbain, métropolitain ; mais aussi un banc, un bâtiment, une quartier, une ville ou une région. Pour Philippe Madec, l’histoire nous demande singulièrement de répondre aux enjeux de notre siècle, aux questions posées par l’avenir. Pour quitter l’héritage de l’ère machiniste, tentons de penser l’aménagement du territoire à la lumière des proximités et d’une équité territoriale, d’ajuster la dimension spatiale et la justice sociale, et de mettre en œuvre les moyens d’une frugalité susceptible d’apporter « deux fois plus de bien-être en consommant deux fois de ressources ».

Philippe est co-auteur, avec Dominique Gauzin-Müller et Alain Bornarel, du « Manifeste pour une frugalité heureuse et créative ». Ce manifeste a touché divers milieux de l’architecture et de l’aménagement des territoires ruraux et urbains, et est à présent signé par une dizaine de milliers d’acteurs, des ingénieurs, des architectes, des agents des collectivités locales, des élus, et des urbanistes.

Il rappelle que le mot vient du « fruit », c’est-à-dire ce qui est la récole de la terre. « Nous cherchons les fruits de la terre », c’est la terre, mais aussi le soleil, la pluie, le vent… tout ce qui nous offre des « fruits » que l’on peut pleinement utiliser (ventilation, potagers, ombrage, matériaux de construction, énergie, humidité et fertilité du sol…). Il faut le faire de manière créative car on ne peut pas agir sans idées, projets… et de manière heureuse car la joie procure une énergie nécessaire pour changer.

Parmi les concepts de départ, Madec pointe les idées de Jamine Benyus : celle-ci travaille à partir du biomimétisme pour faciliter l’innovation, y compris dans le champ des territoires.

Dans le cadre de son exposé du 21 octobre, les échanges ont permis de préciser notamment ces éléments :

  • Cela induit notamment le fait de ne pas vouloir faire fi de la nature mais travailler avec elle.
  • Il faut inclure la notion de bio-climatisme, et ses conséquences en termes de construction. On conçoit le bâtiment en interaction avec son environnement et non pas comme un objet isolé « déposé » dans un contexte. Dès lors, la chaleur ou l’humidité… sont traités comme entrant dans le bâtiment et inversement interagissant comme médiateur entre celui-ci et la nature.
  • L’ilot de chaleur ne doit pas uniquement être utile pour les passants à l’extérieur mais aussi pour ceux qui sont à l’intérieur des bâtiments. Créer un ilot à l’intérieur du bâtiment permet de recréer ces échanges, avec plus de ventilation pour les usagers de l’immeuble.
  • Il en est de même pour les pollutions directes ou indirectes, et notamment la gestion des ressources ou matières premières : comment favoriser leur circularité ?

Philippe Madec illustre son propos à travers ces trois exemples :

  • Près Marne-la-Vallée, le récent écoquartier de Montévrain. Il est au cœur d’un contexte agro-urbain.
  • A Rennes aussi, projet de quartier fondé sur la gestion du fond de vallée et de l’hydraulique. La fond de vallée est inondable et on l’a exploité positivement.
  • Ecoquartier de Val de Reuil : c’est la dernière ville nouvelle de France, qui est une vrai catastrophe. Pas uniquement la qualité des espaces publics mais aussi l’activité économique présente (le secteur pharmaceutique). On a donc privilégié des interventions fondamentales :
    • Sur la zone près de l’Eure : relier à la voie d’eau. On tient compte des crues décennales et centennales. On irrigue le quartier : l’eau occupe sa place dans le quartier, là où elle est présente. Quand elle n’est que peu présente, la nature puise l’humidité dans le sol, les enfants occupent à leur tour les espaces inondables.
    • Ouvrir les façades fermées vers le nord et qui sont ouvertes vers le sud, provoquant ainsi des surchauffes lors des étés. Viser l’excellence PEB pour les nouvelles constructions
    • Relier les parties de la ville. En quelque sorte, le vieux quartier doit intégrer le nouveau quartier.
    • Mettre à niveau les habitats (réhabilitation des logements déjà existants) : celle-ci est dix fois plus rapide et moins couteuse que le démolition-reconstruction.
    • Favoriser la mixité des fonctions. Et notamment les circuits courts agro-alimentaires : horticulture bio, Incroyables comestibles, gestion par la coopérative

Ph. Madec conclut par cet appel :

  • On ne peut pas changer le monde sans ceux qui l’habitent. Cela suppose la participation et l‘implication des citoyens
  • Il cite Edgar Morin : « N’oubliez pas que les populations qui ont toujours cru en la frugalité ont fait des fêtes ».

FOR URBAN PASSION considère dès lors que

  • Trois dimensions doivent interagir entre elles : la nature, le bâti, et l’humain – sa présence, ses activités
  • Cette trilogie fonctionne quand des valeurs les relient, guident ou encadrent les changements : la frugalité, la créativité : ces valeurs assurent la résilience des systèmes.
  • La nécessité de créer du lien entre le bâtiment et son environnement s’étend aux liens multiples entre les quartiers, les cœurs de ville et les milieux naturels : ces derniers sont à la fois présents dans chacun de ces espaces mais les bordent le plus souvent. Le développement territorial doit veiller à les articuler au mieux
  • Les interactions sont positives avec la nature : elles assurent l’harmonie, le confort thermique, les services et les denrées alimentaires fournis par la nature…
  • Ces interactions rendent heureux. Et des citoyens heureux sont plus créatifs, plus enthousiastes, plus ouverts sur les autres, peuvent agir plus facilement en faveur de la nature. Un cercle vertueux ?