L’eau a façonné nos paysages, en résonnµance avec les couches géologiques. Elle constitue à la fois une opportunité et une menace pour nos régions urbanisées.  Dans le contexte du réchauffement climatique, les vallées de nos régions sont menacées d’inondations, autant que les rivages des mers et océans.

Jacques Teller est professeur d’urbanisme et d’aménagement du territoire à l’Université de Liège. Il dirige le LEMA (Local Environnement Management and Analysis), une équipe rattachée à l’unité de recherche Urban & Environmental Engineering de l’Université de Liège. Il est membre du comité scientifique de l’Institut de recherche Efficacity en France ainsi que de la chaire éco-conception des ensembles bâtis et des infrastructures de l’Ecole des Mines de Paris.

Nos villes sont soumises à d’importants aléas d’inondation. Ceux-ci vont encore s’amplifier dans les années à venir en raison du changement climatique. L’urbanisme régénératif offre des réponses à ce défi. Il s’agit de laisser davantage d’espace pour le stockage des grands volumes d’eau lors de crue et de rendre la ville plus poreuse en combinant éléments naturels et artificiels. Ces politiques doivent s’envisager à grande échelle. C’est en particulier le cas pour le risque d’inondation, qui présente bien souvent une dimension transfrontalière.

Jacques teller

L’exposé de Jacques Teller a mis en évidence les éléments suivants :

  • Le bassin liégeois pris en exemple illustre l’importance de la menace et l’étendue des effets ; il ne s’agit nullement d’un problème local, mais d’un système de territoires liés par un écosystème aqueux
  • Particulièrement dans les zones à densité élevée, la perméabilité pose question : les sols souvent artificiels n’absorbent guère les eaux de ruissellement, qui sont évacuées majoritairement par les canalisations notamment vers les cours d’eau ou les bassins de rétention ; le traitement de l’eau repose donc sur un principe de séparation et de circuits en ligne directe
  • A l’opposé, il s’agit d’instaurer une gestion interactive de l’eau et de la ville, en lien avec la capacité d’absorption des sols, prenant appui sur l’infiltration naturelle ; dans cette perspective, la gestion de l’eau, dans toutes ses composantes, doit être combinée avec celle des paysages, y compris dans les aires urbaines
  • Un nouvel horizon peut être de passer de la ville dense (accentuée par la métropolisation) vers la ville poreuse dans les territoires exposés au risque d’inondation
  • Les zones d’intervention possibles sont souvent celles liées à la mobilité, dont les paradigmes sont en train de muter : partage de la rue, mobilités douces, trajets multimodaux, etc. Cette mutation constitue une opportunité en matière de perméabilité des sols.

La discussion autour de l’exposé de Jacques Teller a traité de :

  • L’agence Bruxelles-Environnement gère la troisième version du « plan de gestion de l’eau ; depuis 2008, ces versions sont issues de l’obligation générée par la Directive européenne en la matière ; l’agence élabora pour l’instant la quatrième version, et organise à cet effet une série de rencontres citoyennes
  • Ce plan se veut une réponse intégrée et globale à l’ensemble des défis liés à la gestion de l’eau (rivières, étangs, eau potable, eau souterraine, inondation, …). Il tente de répondre aux grands enjeux afin de tendre vers un bon état des masses d’eaux et des milieux aquatiques et une meilleure gestion des risques d’inondation
  • En Wallonie, les deuxièmes « Plans de gestion » concernent des parties wallonnes des districts hydrographiques internationaux de la Meuse, de l’Escaut, du Rhin et de la Seine ; ces plans ont été adoptés par le Gouvernement Wallon en 2016
  • Ces plans reposent sur les mêmes principes d’infiltration et de combinaison de solutions ; pour autant, les avancées opérationnelles posent question face à l’évolution rapide des changements climatiques
  • Les impératifs d’une stratégie basée sur ces principes sont élevés : est-ce que les moyens seront suffisants ? On procède par petits pas…
  • Parfois les réalisation sont plus importantes : on prend l’exemple du bassin de la pace Flagey qui a permis d’éviter la construction d’un vaste collecteur dans la rue Gray qui aurait lui-même entrainé la destruction d’un coté de cette rue sur plus de 600m.
  • Autre exemple, la zone « Rive gauche » à Charleroi ; la proximité de la Meuse et les terrains humides ont conduit à adopter des solutions dites « naturelles »

FOR URBAN PASSION considère dès lors que

  • Aujourd’hui, les diagnostics de territoire doivent être transversaux, et traiter des interactions entre les volets de paysage, de perméabilité des sols et de récupération des matières, ou encore de recyclage ou de réutilisation des eaux
  • Des mesures radicales tardent à être prises : l’interdiction absolue de construire en zone soumise à aléa d’inondation fort ou moyen, l’utilisation de technique basées sur la résilience, etc.
  • La gestion du risque d’inondation doit être conçue comme une opportunité pour qualifier/requalifier des territoires urbains, à travers des mesures actives basées sur une gestion intégrée de l’eau, du sol, des paysages et de la mobilité.
  • En définitive, ce type de stratégie doit reposer sur une claire conscience de l’efficacité de telles solutions : le public a souvent encore peur de délaisser le béton, et craint les solutions qui n’offrent pas de résultat visible à court terme. Il importe donc que les solutions apportés par ces nouvelles approche soient davantage mises en lumière.

(rédaction AUPA et Paul Vermeylen)